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CRT CONSTRUCTION INC. C. ZURICH, Compagnie D'ASSURANCES SA, 2024 QCCS 2246 :
Précisions sur la portée d'une assurance chantier de type « builders risk policy »

Le 17 juin 2024, la Cour supérieure, présidée par l’Honorable Carol Cohen, j.c.s., a condamné Zurich, Compagnie d'assurances SA (« Zurich ») à rembourser la somme de 792 638,00 $ à l’entrepreneur général CRT Construction inc. (« CRT »), à titre de frais supplémentaires découlant d’une inondation survenue sur un chantier de construction.

L'iNTÉRÊT DE LA DÉCISION

La cause concerne l’étendue de la couverture de type « builders risk policy » offerte par Zurich à la suite d’une inondation ayant endommagé un site de construction de CRT, interrompu les travaux sur une partie du site et entrainé une modification des méthodes de travail de l’assuré occasionnant des coûts additionnels. La Cour s’attarde notamment sur l’interprétation des termes « sinistre » et « pertes directes ou indirectes » dans un contexte d’assurance.

Contexte factuel

Fondée en 1966, la compagnie CRT est un entrepreneur général en construction et génie civil, avec une expertise particulière dans le domaine de la construction des ponts et viaducs. Elle est gérée actuellement par la troisième génération de la famille fondatrice et compte entre 150 et 400 employés, selon les contrats en cours d’exécution.

 

En mai 2017, CRT a été engagée par la Ville de Montréal pour un projet d’envergure sur l’usine d’eau potable Atwater. Puisqu’une police d’assurance chantier était exigée par la Ville, CRT a obtenu de Zurich une assurance chantier « builders risk policy » assortie de divers avenants dont un « avenant inondation ».

 

Le 12 novembre 2017, une inondation est survenue sur le chantier, entraînant un arrêt complet des travaux pendant quatre mois sur une partie du site. CRT a immédiatement dénoncé le sinistre à Zurich, qui lui a remboursé la somme de 5 066 425,00 $ représentant le coût des travaux correctifs pour mettre fin à l’entrée d’eau massive sur le chantier et corriger les dommages causés au site.

 

Zurich a toutefois toujours refusé de payer ce qu’elle qualifiait de frais supplémentaires encourus par CRT et découlant de la modification des méthodes de travail entraînée par l’inondation.

Les motifs de la Cour supÉRIEURE

Pour justifier son refus d’acquitter les sommes réclamées, Zurich plaidait que le Formulaire chantier 6308, ajouté à la police, excluait les dommages occasionnés directement ou indirectement par les retards, les pertes de marché ou la privation de jouissance.

 

CRT alléguait que l’inondation entrait plutôt dans la définition de « sinistre » prévue par l’Avenant Inondation 6324, qui incluait « toutes les pertes ou tous les dommages causés directement ou indirectement par une seule cause ou une série de causes semblable ou connexes ».

 

  1. Le fardeau de la preuve

 

  • La preuve non contredite démontrait que tous les frais supplémentaires étaient le résultat de l’inondation du 12 septembre 2017;

 

  • Le fait que Zurich ait déjà indemnisé CRT pour une somme d’un peu plus de 5 000 000,00 $ à la suite de l’inondation indiquait qu’il s’agissait d’un risque couvert par la police;

 

  • Le fardeau de démontrer que les montants additionnels que Zurich refusait maintenant de payer à CRT étaient visés par une exclusion reposait donc sur Zurich.

 

  2. L’interprétation des termes « sinistre » et « pertes directes »

 

  • L’utilisation des mots « pertes » et « indirectement » dans la définition de « sinistre » illustrait la portée très large de l’Avenant Inondation 6324, qui élargissait la garantie offerte par le Formulaire chantier 6308;

 

  • La Cour supérieure de l’Ontario a déjà interprété l’expression « perte directe » comme devant être une « proximate cause » : « Proximate cause may not be the last cause, but is the effective or dominant cause of the loss. The proximate cause is the direct and immediate cause. In substance, the proximate cause causes the damage »;

 

  • En l’espèce, même si l’inondation n’était pas la cause directe de toutes les pertes réclamées par CRT, elle était certainement « en substance la cause » de ces pertes.

 

  3. Les attentes raisonnables des parties

 

  • La Cour confirme par ailleurs, en appliquant les enseignements de l’arrêt Ledcor Construction inc c Northbridge Indemnity Insurance co et al de la Cour suprême, qu’en présence d’une contradiction et/ou ambiguïté dans la police d’assurance, il faut tenir compte des attentes raisonnables des parties;

 

  • De plus, toute ambiguïté, si ambiguïté existe, doit être interprétée en faveur de l’assurée;

 

  • En l’espèce, la preuve non-contredite, soit les témoignages du représentant de CRT et du courtier dont les services avaient été retenus par cette dernière pour obtenir les couvertures requises, démontrait que CRT avait l’attente raisonnable d’être complètement couverte lors d’une inondation.

 

  4. L’octroi des frais de justice

 

  • Zurich a produit une nouvelle pièce importante à la première journée du procès et a aussi offert un témoin qui n’avait aucune connaissance personnelle du dossier;

 

  • C’est en raison de ces agissements que le procès a duré trois jours au lieu de deux, et que CRT a dû fournir une plaidoirie additionnelle;

 

Pour ces raisons, la Cour Supérieure a accueilli l’action avec frais judiciaires contre Zurich

La demanderesse CRT Construction inc. était représentée par Me Michel Bernier, associé chez GBV avocats.  

 

Nous précisons que le délai d’appel de cette décision n’est pas encore échu.

 

MISE EN GARDE : Cette publication a pour but de donner des renseignements généraux sur des questions et des nouveautés d’ordre juridique à la date indiquée. Les renseignements en cause ne sont pas des avis juridiques et ne doivent pas être traités ni invoqués comme tels.

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